Permettre à tous de voyager facilement en limitant les émissions de CO² : c’est le message porté par la Loi Macron de 2015 qui libéralise l’offre de transport interurbain par autocar. Mais qu’en est-il vraiment ? La recherche s’attachera à comprendre comment cette offre nouvelle s’inscrit dans le système des transports, qui sont réellement les usagers des cars Macron, quels sont leurs motifs, leurs pratiques, leurs représentations et cherchera à savoir dans quelle mesure la question du rapport qualité/prix est déterminante dans leur pratique et sa pérennité. L’enjeu : identifier dans quelle mesure cette offre de transport low cost peut s’inscrire dans la transition vers des modes de vie durables et désirés.
En août 2015, la loi Macron libéralise dans l’Hexagone le transport interurbain par autocar, jusque-là autorisé seulement dans le cadre de voyages à l’international. L’ouverture de cette nouvelle offre de transport low-cost doit bénéficier aux plus démunis, en leur permettant de voyager plus facilement grâce à des prix bas. Les cars sont également présentés dans le discours officiel comme un mode de transport peu polluant, dès lors qu’un taux de remplissage suffisant (38%) est atteint, ce qui s’est produit quelques mois après l’ouverture de l’offre. L’image véhiculée par les discours officiels est donc très positive.
Pourtant, aujourd’hui, le marché, en voie de concentration – on est passé de cinq grands opérateurs en 2016 à trois aujourd’hui 1 – n’est toujours pas rentable pour les compagnies. Dans ce contexte, il est possible que les prix bas, qui sont l’un des piliers de ce mode de transport low-cost, ne puissent être maintenus longtemps. Or une augmentation des prix pourrait conduire à une remise en cause de l’ensemble du système : en effet, la clientèle des cars Macron continuerait-elle à prendre le car si les prix augmentaient ? La qualité du service ou encore la praticité des dessertes proposées suffiraient-elles à fidéliser cette clientèle ? Si oui, à quelles conditions ? Le modèle social des cars Macron, qui doit bénéficier aux plus pauvres, pourrait en effet être entièrement remis en question par une augmentation des prix. La perte d’une partie de la clientèle qui pourrait s’ensuivre risquerait de porter un coup aux finances des compagnies, mais aussi au bilan environnemental des cars Macron, en remettant en cause leurs taux de remplissage.
Si l’augmentation des prix pose question, le maintien de prix bas n’est pas non plus sans ambiguïtés sur le plan de la durabilité et de la désirabilité des cars Macron. Derrière l’intention louable d’offrir aux plus pauvres une offre de mobilité adaptée à leur portefeuille, d’aucuns ont dénoncé la relégation des pauvres à une mobilité moins confortable, moins rapide, moins pratique que le train, beaucoup plus cher. De plus, le développement d’une nouvelle offre de transport à bas prix crée l’occasion de déplacements supplémentaires, ce qui est discutable du point de vue environnemental même si cela peut être souhaitable sur le plan social. Enfin, cette évolution des pratiques de mobilité peut être vécue de manière positive et correspondre aux aspirations des personnes, mais elle peut aussi s’inscrire dans un système de contraintes et d’injonction à la mobilité, par exemple liées au travail et dont les cars Macron seraient l’instrument.
La recherche vise à interroger ces tensions entre durabilité et désirabilité, entre rentabilité et soutenabilité du système, en allant interroger directement les usagers. Qui sont les usagers des cars Macron ? Quelles sont leurs pratiques de mobilité ? Pour quelles raisons prennent-ils le car ? Quelle est leur expérience des trajets en car ? Quelles sont leurs représentations de leur mobilité ? Leurs modes de vie ont-ils évolué avec leur usage des cars ? A quelles conditions leur usage du car peut-il perdurer ? Quel effet aurait une augmentation des prix sur leur pratique ? La qualité du service est-elle selon eux suffisante pour continuer à prendre le car à des prix plus élevés ? Dans quelle mesure l’évolution de leurs pratiques peut-elle ébranler l’ensemble du système ?
La recherche, menée par un groupe d’étudiantes du Master 2 Aménagement et Urbanisme de l’Université Paris I, s’appuie ainsi sur la problématique suivante : Comment les pratiques, les représentations et le vécu des usagers peuvent-ils favoriser ou remettre en cause l’inscription des cars Macron, en tant que système de mobilité low-cost, dans la transition vers des modes de vie durables et désirables ? Dans quelle mesure la question du prix et du service rendu sont-elles déterminantes dans la pérennité de la pratique des personnes et donc du système ? Quelles propositions pourrait-on formuler pour penser la place de ce mode de transport dans la transition vers des modes de vie désirés et soutenables ? Les résultats sont attendus au printemps 2019.
1 Flixbus, Isilines, Ouibus. Ce dernier a été cédé par la SNCF à Blablacar le 12 novembre 2018.
Dans une perspective large, la mobilité peut être définie comme l’intention, puis la réalisation d’un franchissement de l’espace géographique impliquant un changement social.
Le déplacement est un franchissement de l’espace par les personnes, les objets, les capitaux, les idées et autres informations. Soit il est orienté, et se déroule alors entre une origine et une ou plusieurs destinations, soit il s’apparente à une pérégrination sans véritable origine ou destination.
Les recherches sur la transition s'intéressent aux processus de modification radicale et structurelle, engagés sur le long terme, qui aboutissent à une plus grande durabilité de la production et de la consommation. Ces recherches impliquent différentes approches conceptuelles et de nombreux participants issus d'une grande variété de disciplines.