Recherches
17/01/2019

Centre-ville, piétonnisation et modes de vie

Recherches en cours

Début: 01 novembre 2018
Fin: 01 avril 2020

En 2015, un vaste projet de piétonnisation des boulevards centraux de Bruxelles a été lancé, transformant le visage d’un centre-ville conçu pour la voiture. La recherche vise à évaluer en profondeur son impact sur les modes de vie. Elle portera à la fois sur la façon dont les activités se déploient dans l’environnement construit et social de la zone piétonne et sur la manière dont ces activités s’intègrent dans la vie des individus. Il s’agira enfin de comprendre quels enseignements on peut tirer d’un projet de réduction drastique de la place de la voiture au cœur d’une métropole et d’évaluer dans quelle mesure un tel projet peut favoriser la transition vers des modes de vie plus désirés et soutenables.

Acteurs de la recherche

  • Gabrielle Fenton
  • Jean-Louis Genard
  • Ignace Glorieux
  • Michel Hubert
  • Quentin Letesson
  • Joeri Minnen

Gabrielle Fenton

Anthropologue

Gabrielle Fenton est chercheuse junior à l’Université Saint Louis (USL-B, Belgique) au sein de l’Observatoire du Centre du Brussels Studies Institute (BSI-BCO). Formée en anthropologie sociale au Royaume Uni, à l'Université du Kent et puis à Goldsmiths, elle a également travaillé en Géorgie sur un projet visant l’économie de carburant dans le Caucase et à Londres avec une association travaillant à la réinsertion des prisonniers.

Jean-Louis Genard

Sociologue

Jean-Louis GENARD est philosophe et docteur en sociologie. Il est professeur de l’Université à la Faculté d’architecture « La Cambre-Horta » de l’ULB. Il est rédacteur en chef de la revue SociologieS. Il co-dirige la collection Action publique chez Peter Lang, ainsi que la collection Architecture et aménagement du territoire aux éditions de l’ULB. Il a publié de nombreux ouvrages, parmi lesquels La Grammaire de la responsabilité (Cerf, 2000), Action publique et subjectivité (avec F. Cantelli, LGDJ, 2007), Enjeux patrimoniaux en contexte postcolonial (avec J. le Maire, L’Harmattan, 2017), ainsi que de très nombreux articles. Ses travaux portent principalement sur l’éthique, la responsabilité, les politiques publiques, en particulier les politiques sociales, urbanistiques et culturelles, ainsi que sur les questions épistémologiques propres aux sciences humaines.

Ignace Glorieux

Sociologue

Ignace Glorieux est professeur de sociologie et dirige le département de sociologie de la Vrije Universiteit Brussel (VUB, Belgique). Il enseigne la théorie sociale, la sociologie du temps, la méthodologie ainsi que sur les thématiques des politiques de loisir et des inégalités sociales. Depuis plus de 30 ans, il est impliqué dans des études portant sur l’emploi du temps en Belgique. Il a également étudié l’entrée et le parcours des étudiants dans l’éducation supérieure et est impliqué dans différents sondages portant sur les pratiques et la participation culturelle. Il est actuellement président de l’International Association for Time Use Research (IATUR), membre du groupe de travail d’EUROSTAT sur l’harmonisation de la recherche sur l’emploi du temps (HETUS) et du groupe consultatif ‘Time Use Data for Health and Well Being’ de l’Université du Maryland. Il est également co-fondateur de ‘hbits’, une spin-off du groupe de recherche TOR.

Michel Hubert

Sociologue

Michel Hubert est professeur de sociologie à l’Université Saint-Louis – Bruxelles (USL-B) et à l’Université Libre de Bruxelles (ULB) où il enseigne notamment les Mutations et politiques urbaines contemporaines et la Sociologie des mobilités. Il a codirigé avec P. Lewis et M. Raynaud, Les grands projets urbains : territoires, acteurs et stratégies (Presses universitaires de Montréal, 2014) et publié de nombreux travaux sur les pratiques de mobilité et le partage de l’espace public, ainsi que sur l’histoire et la structure des réseaux de transport et leur impact sur la ville et ses usagers. Il est très impliqué dans les recherches sur les réalités urbaines bruxelloises. En 2006, il a créé la revue électronique trilingue Brussels Studies (www.brusselsstudies.be). Il est vice-président du Brussels Studies Institute (BSI), plateforme de collaboration interuniversitaire et interdisciplinaire sur Bruxelles. C’est dans ce cadre qu’il copréside avec le prof. Eric Corijn le BSI-Brussels Centre Observatory (BCO).

Quentin Letesson

Urbaniste

Quentin Letesson est urbaniste et chercheur senior à l’Université Libre de Bruxelles (ULB, Belgique) au sein de l’Observatoire du Centre du Brussels Studies Institute (BSI-BCO). Il s’intéresse tout particulièrement à la matérialité urbaine, à la marchabilité des espaces publics ainsi qu’à l’impact de la configuration spatiale et des propriétés topologiques des réseaux viaires sur les déplacements urbains. Il est également docteur en archéologie, chercheur au sein du groupe de recherche Aegean Interdisciplinary Studies (Aegis) ainsi que chargé de cours à l’Université catholique de Louvain (UCLouvain, Belgique).

Joeri Minnen

Sociologue

Joeri Minnen est chercheur senior au sein du groupe de recherche TOR (Tempus Omnia Revelat – le temps révèle tout) de la Vrije Universiteit Brussel (VUB, Belgique). Ses travaux portent sur le comportement humain quotidien à travers l’utilisation de la méthode des journaux d’activités. Pour ce faire, il a développé la plateforme logiciel MOTUS. À travers la version web ou mobile de cette application, les informant(e)s peuvent enregistrer le déroulement temporel de leurs activités et répondre à des questions contextuelles qui varient selon l’activité enregistrée. De par sa capacité à programmer des sondages, journaux et communications d’échelle variable, Motus permet d’automatiser le travail de terrain et rend possible le déroulement simultané de plusieurs études. Depuis peu, Motus mobilise également l’enregistrement passif, c’est-à-dire l’inclusion d’information sur le déroulement spatiotemporel des activités provenant de sources autres que l’enregistrement actif des informant(e)s. Ce procédé peut également contribuer à déclencher des questions complémentaires, notamment par le biais du geofencing. Récemment ces connaissances ont donné naissance à une spin-off du groupe de recherche TOR intitulée ‘hbits’ dont Joeri Minnen est le directeur général. Plus d’informations sur ces deux projets de recherche peuvent être trouvés sur : www.hbits.io. Joeri Minnen est également trésorier d’IATUR (International Association for Time-Use Research) et expert pour le groupe de travail sur l’harmonisation de la recherche sur l’emploi du temps (HETUS) d’EUROSTAT.

 

Contact : Anne Fuzier

La recherche

La recherche vise à comprendre comment la piétonnisation des boulevards centraux de Bruxelles a impacté l’ensemble du mode de vie de ses usagers, anciens usagers, ou encore de ceux qui vivent dans cet espace sans le fréquenter. Habitants de la zone piétonne, actifs qui y travaillent, usagers occasionnels ou réguliers, habitants de l’agglomération bruxelloise, anciens usagers du centre-ville : tous peuvent avoir été impactés par l’aménagement du Piétonnier. On fait ainsi l’hypothèse que le projet a eu un impact non seulement sur les usagers du centre-ville, visibles dans l’espace public, mais aussi sur ceux que l’on n’y voit pas. L’ensemble du programme d’activité de ces personnes, leurs habitudes d’achats, de loisirs, de mobilité, leurs sociabilités ont pu être reconfigurés ; le projet a également pu influencer leurs représentations du quartier, de leur cadre de vie, de Bruxelles ou encore leur opinion sur la piétonnisation d’un centre-ville.

On fait également l’hypothèse que pour ceux qui pratiquent le Piétonnier aujourd’hui, des traces de ces évolutions de leurs modes de vie seront directement visibles dans l’espace public. La mixité des populations et des usages de cet espace, qui s’ajoutent à l’hétérogénéité liée aux différents stades d’avancement des travaux, fait en effet du Piétonnier un véritable laboratoire pour l’étude des interactions sociales, des mobilités et des comportements des usagers. Trois sous-hypothèses peuvent alors être formulées :

  • Les caractéristiques morphologiques et matérielles des différents espaces concernés par le projet auront un impact sur les activités et les expériences des usagers.
  • D’un lieu de passage et de transit, modelé comme une autoroute urbaine, le Piétonnier deviendra un lieu de destination, amenant une reconfiguration des activités et des mobilités.
  • De par sa localisation dans l’hypercentre multifonctionnel bruxellois, sa composition sociale et celle des quartiers qui l’entourent et son attractivité à l’échelle régionale, nationale et internationale, le Piétonnier constitue un espace privilégié de mixité sociale.


Une méthodologie double

Pour investiguer ces questions, les chercheurs s’appuieront sur un dispositif méthodologique double, constitué de deux modules de recherche menés de manière concomitante.

  • Le premier module de recherche, fondé sur l’analyse de photographies et d’observations dans l’espace public, vise à objectiver, de manière temporelle et spatiale, les activités qui se déploient dans le Piétonnier, considérées comme traces des modes de vie des usagers. Les photographies et les observations se concentreront sur les différentes zones du Piétonnier, étudiées à des moments variés (jours de semaine, de week-end, différentes heures du jour et de la nuit…). Il s’agira de produire une description des activités et expériences sociales situées dans l’espace et dans le temps, afin de caractériser la matérialité spatiale, temporelle et collective des modes de vie.

  • Le second module de recherche a pour objectif d’apporter une perspective plus sensible – vécu, perceptions – à ces activités et ces expériences sociales et de les replacer dans l’ensemble des modes de vie des personnes, ainsi que d’identifier les impacts du Piétonnier sur les modes de vie de ceux qui ne le fréquentent pas ou plus. Pour cela, des journaux d’activités spatialisés et des entretiens semi-directifs seront menés auprès de volontaires, habitants, actifs, usagers réguliers et occasionnels, anciens usagers du Piétonnier.

Les résultats du projet, attendus début 2020, permettront d’alimenter les réflexions sur la place des projets de piétonnisation des centres villes dans la transition vers des modes de vie plus désirés et soutenables.


Le contexte du centre-ville de Bruxelles

Les politiques urbaines des années 1950 à 1980 ont porté une vision de Bruxelles comme lieu de consommation et capitale administrative, devant devenir un « point de convergence du réseau autoroutier à l’échelle nationale 1 » . L’espace public est alors aménagé en faveur de la voiture, avec des boulevards centraux à quatre bandes de circulation, reléguant les piétons à des trottoirs encombrés et les trams à une circulation souterraine. Dans les années 1970, des mouvements s’élèvent pour remettre en cause cette conception de la ville et appellent à penser la ville autrement. A côté des argumentaires liés à la durabilité et à la participation citoyenne s’élèvent des mouvements insistant sur l’attractivité du centre-ville de Bruxelles et sur la nécessité d’attirer des classes moyennes en ville. En effet, Bruxelles est marquée par un contexte de forte périurbanisation lié notamment à la localisation des ménages les plus favorisés dans les communes de seconde couronne ou de périphérie, laissant largement le centre-ville aux classes populaires. Néanmoins, sa forte multifonctionnalité (habitat, commerces, administrations, offres touristiques et récréatives…) en fait un lieu attractif à l’échelle supra-locale, ce qui induit des enjeux d’accessibilité et de mobilité.


L’aménagement du « Piétonnier »

Dans ce contexte, un projet d’extension de la zone piétonne de Bruxelles aux boulevards centraux, appelé « le Piétonnier », est lancé en 2015, dans une grande impréparation. La mise en œuvre des travaux s’appuie sur un plan de mobilité, un plan d’aménagement de l’espace public et un plan de développement commercial, le premier ayant été mis en place près de 2 ans avant le deuxième. Les travaux d’aménagement de l’espace public ont débuté en septembre 2017 sur plusieurs tronçons de boulevard. Au début de la recherche, la zone piétonne comprend alors des espaces dont les stades d’avancement des travaux sont variés ; des zones déjà aménagées côtoient des espaces encore dans leur état initial ou en chantier.

L’hétérogénéité de l’ensemble est accrue par la diversité des mobilités qui s’y déploient. Si l’espace est d’abord destiné aux piétons, d’autres modes actifs (vélos, trottinettes…) y sont admis, de même qu’à certains endroits, les autobus, mais aussi, à certaines conditions, les véhicules de livraison, les riverains ou encore les taxis. Une bande de circulation automobile a également été rouverte à certains endroits du Piétonnier, suite aux recours contre les permis d’urbanisme et les décisions de police.

La mise en œuvre du projet de Piétonnier a engendré de nombreuses controverses, en raison notamment du manque de concertation publique et de l’impréparation dans laquelle le projet a été décidé. Dans ce contexte, l’Observatoire du centre-ville de Bruxelles (BSI-Brussels Centre Observatory) a été formé au sein du BSI (Brussels Studies Institute) 2 afin d’objectiver les débats autour du Piétonnier et d’évaluer ses effets sur le fonctionnement de la métropole. Pour suivre le présent projet sur les conséquences de la piétonnisation sur les modes de vie, une équipe de recherche impliquant des chercheurs issus de champs disciplinaires variés (sociologie, anthropologie, archéologie, géographie) s’est formée au sein de cet observatoire. A leur côté, une équipe du groupe de recherche TOR de la Vrije Universiteit Brussel (VUB), référence dans le domaine des Time Use Surveys depuis plusieurs années, interviendra pour mettre en œuvre un dispositif de journaux d’activités spatialisés.

Notes

1 DE VISSCHER, J.-P., NEUWELS, J., VANDERSTAETEN, P. et CORIJN, E., 2016. Brève histoire critique des imaginaires à la base des aménagements successifs des boulevards, In : CORIJN, E., HUBERT, M., NEUWELS, J., VERMEULEN, S. et HARDY, M. (eds), Portfolio#1 : Cadrages - Kader, Ouvertures - Aanzet, Focus. Bruxelles : BSI-BCO, pp. 135-147, http://bco.bsi-brussels.be/portfolio-1/. 

2 Le Brussels Studies Institute (BSI) est une plateforme de recherche rassemblant 27 centres de recherche et plus de 250 chercheurs issus de 6 universités différentes et investis dans des disciplines variées. Il rassemble une équipe d’experts académiques et non-académiques en support aux projets de recherche et de valorisation des résultats de la recherche. Le BSI mène actuellement une quinzaine de projets de recherche impliquant des équipes pluridisciplinaires, multi-acteurs, interuniversitaires et intercommunautaires en fonction des thématiques développées. Le BSI-BCO (Brussels Centre Observatory) s’est formé au sein du BSI (Brussels Studies Institute) pour faire face aux controverses suscitées par l’aménagement du Piétonnier et objectiver les débats. Il étudie les effets de la piétonnisation des boulevards centraux dans le fonctionnement multiscalaire de la ville-métropole. Cet observatoire rassemble aujourd’hui une cinquantaine d’universitaires et de chercheurs issus de disciplines diverses et rattachés à 15 centres de recherche liés à 5 universités différentes. 

Mobilité

Dans une perspective large, la mobilité peut être définie comme l’intention, puis la réalisation d’un franchissement de l’espace géographique impliquant un changement social.

Plus
Mode de vie

Un mode de vie est une composition - dans le temps et l’espace - des activités et expériences quotidiennes qui donnent sens et forme à la vie d’une personne ou d’un groupe.

Plus
Transition

Les recherches sur la transition s'intéressent aux processus de modification radicale et structurelle, engagés sur le long terme, qui aboutissent à une plus grande durabilité de la production et de la consommation. Ces recherches impliquent différentes approches conceptuelles et de nombreux participants issus d'une grande variété de disciplines.

Plus

Mots-clés : Belgique, Bruxelles, modes doux, marche, piéton, centre-ville
Disciplines : Sciences humaines, Sciences sociales, Urbanisme, architecture et paysagisme
Mode(s) de transport : Marche

1 https://journals.openedition.org/brussels/
2 https://www.hbits.io/nl/
3 mailto:anne.fuzier@sncf.fr
4 http://fr.forumviesmobiles.org/reperes/mobilite-446
5 http://fr.forumviesmobiles.org/reperes/mode-vie-1754
6 http://fr.forumviesmobiles.org/reperes/transition-2840
7 http://fr.forumviesmobiles.org/mots-cles/belgique
8 http://fr.forumviesmobiles.org/mots-cles/bruxelles
9 http://fr.forumviesmobiles.org/mots-cles/modes-doux
10 http://fr.forumviesmobiles.org/mots-cles/marche
11 http://fr.forumviesmobiles.org/mots-cles/pieton
12 http://fr.forumviesmobiles.org/mots-cles/centre-ville
13 http://fr.forumviesmobiles.org/disciplines/sciences-humaines
14 http://fr.forumviesmobiles.org/disciplines/sciences-sociales
15 http://fr.forumviesmobiles.org/disciplines/urbanisme-architecture-et-paysagisme
16 http://fr.forumviesmobiles.org/modes-transports/marche