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Le véhicule autonome : quel rôle dans la transition mobilitaire ?

Recherches terminées
Début: Février 2020
Fin: Mars 2021

Depuis plusieurs années déjà, le véhicule autonome fait l’objet d’un engouement extraordinaire. Il est présenté comme le futur de la mobilité motorisée, que ce soit en termes de sécurité, de services ou d’écologie et semble interroger la pertinence des transports collectifs traditionnels. Pourtant, de nombreuses questions persistent. Alors que cette innovation majeure pourrait définir l’avenir de la mobilité et dans un contexte où le secteur des transports fait face à l’urgence de réduire ses émissions de CO2, le Forum Vies Mobiles a demandé à la Fabrique Écologique d’évaluer la contribution réelle du véhicule autonome sur route (hors marchandises) à la transition écologique à l’horizon 2050.

Acteurs de la recherche

 

Contact : Christophe Gay

Le rapport de recherche complet est disponible en bas de cette page.

Retrouvez la vidéo de la conférence de présentation des résultats de la recherche

L’objet de l’étude

Depuis plusieurs années déjà, le véhicule autonome, fait l’objet d’un engouement extraordinaire. Il est présenté comme le futur de la mobilité motorisée, que ce soit en termes de sécurité, de services ou d’écologie, et semble interroger la pertinence des transports collectifs traditionnels. Pourtant, de nombreuses questions persistent.

Qu’est vraiment un véhicule autonome ? Quels sont ses usages possibles ? de quels éléments a-t-il besoin pour fonctionner ? Quels sont les acteurs impliqués dans son développement ? Et surtout, dans quelle mesure et à quelles conditions peut-il participer en France à la transition écologique du secteur des transports de personnes à l’horizon 2050 ?

La méthodologie de l’étude réalisée par La Fabrique Ecologique se base sur la lecture de la littérature grise et savante, technique et théorique consacrée au véhicule autonome, ainsi que sur plusieurs (9) entretiens semi-directifs de type informatif réalisés auprès d’acteurs engagés dans sa conception et sa mise en place : responsables politiques nationaux, cadres d’entreprises du secteur automobile, chercheurs impliqués dans des programmes de développement idoines, etc 1… Ces entretiens ont pour objet de recueillir d’une part les connaissances de ces acteurs en matière d’avancement du véhicule autonome mais aussi de comprendre les visions du monde qui animent ces choix. Le périmètre de cette étude n’inclue que le transport de passagers. Le transport de marchandises en est donc exclu.

Les Résultats

Un vocable qui recouvre une réalité complexe et polymorphe

Un véhicule autonome sur route peut être un véhicule individuel ou partagé (voiture en autopartage, robot-taxi, navette autonome). Pensé dès sa genèse comme un véhicule électrique en raison de la convergence des temporalités liées à ces deux innovations, le véhicule autonome n’est pas en lui-même porteur de la motorisation thermique ou électrique, ni du recours à certains types d’énergies en particulier (gaz naturel, hydrogène, etc.). De nombreuses incertitudes persistent encore sur les types de motorisations et d’énergies auxquelles il pourra avoir recours.

Le véhicule autonome ne désigne pas un objet technique stable, mais bien une continuité d’améliorations incrémentales de la voiture traditionnelle. L’autonomie est segmentée en 5 niveaux, dont les deux premiers sont en réalité des assistances à la conduite déjà largement diffusées dans le parc automobile actuel. Ce n’est qu’à partir du niveau 3 que l’on peut parler de véritable conduite autonome, mais celle-ci est limitée à certaines conditions (par exemple sur une voie séparée, sans circulation de vélo ou de piéton) et le conducteur doit être en permanence en mesure de reprendre le contrôle. Le niveau 4 désigne l’autonomie complète sous certaines conditions météorologiques et dans certaines zones géographiques, tandis que le niveau 5, encore très largement hors de portée, désigne l’autonomie complète en toute condition.

Source : Service de recherche du Parlement européen, Commission européenne



Le véhicule autonome se caractérise par les technologies sur lesquelles il repose pour pouvoir circuler sans intervention humaine. De nombreux capteurs embarqués permettent d’analyser l’environnement et de générer des quantités gigantesques de données qui sont ensuite traitées par l’intelligence artificielle en charge de la conduite autonome. Ces capteurs doivent être complémentaires pour pouvoir enregistrer chaque événement quelles que soient les conditions météorologiques ou de circulation. Les technologies utilisées sont donc variées : caméras 3D, radars, lidars (détection et estimation de la distance par la lumière) et des cartographies haute définition, continuellement mises à jour, qui permettent de compléter les informations enregistrées par les capteurs. Les données générées sont ensuite traitées par le logiciel de conduite autonome qui les transforme en consignes de trajectoire ou de vitesse. Ces données sont également communiquées à d’autres véhicules autonomes et à l’infrastructure routière pour augmenter la quantité et donc la fiabilité de l’information. Cette redondance de l’information est la condition nécessaire à l’automatisation de la conduite. Elle requiert un haut niveau de connectivité qui nécessitera probablement le déploiement de la 5G.

Des investissements massifs

Face à de telles exigences technologiques, des investissements colossaux sont nécessaires, d’abord dans le domaine de la recherche et du développement. À l’échelle internationale, une étude du cabinet The Brookings Institution estime à 80 milliards de dollars les investissements en faveur du véhicule autonome entre 2015 et 2017, essentiellement en R&D. Alors qu’aujourd’hui, une grande partie de ces investissements est portée par les acteurs privés, le coût de déploiement des infrastructures nécessaires à la circulation des véhicules autonomes (marquage au sol, panneaux de signalisation, équipement numérique, aménagement de voies séparées, etc.) constituera une nouvelle dépense qui devrait incomber principalement aux États et aux collectivités.

Une compétition mondiale

La recherche-développement sur le véhicule autonome est portée depuis plusieurs années par une intense compétition mondiale entre différents acteurs.

Les acteurs traditionnels de l’industrie automobile, les constructeurs (Renault et Peugeot pour la France) et leurs équipementiers y voient l’occasion de renouveler le système de la voiture en vendant des véhicules équipés de toujours plus de fonctionnalités. Les grandes entreprises du numérique (Google, Uber, etc.) visent l’autonomie totale qui leur permettrait d’assurer leur contrôle sur la valeur ajoutée liée à la production et à la circulation des données. Le véhicule autonome, en libérant le temps de la conduite, serait aussi l’occasion pour ces acteurs de proposer de nouveaux services numériques à bord. Pour ces acteurs privés comme pour certains acteurs publics (opérateurs de transport, collectivités), le développement du véhicule autonome permettrait de réduire les coûts d’exploitation en supprimant ou en délocalisant des emplois ; en supprimant le poste d’un conducteur, le coût du service pourrait être réduit de 60% à 70%.

Enfin, les États se sont également lancés dans la course internationale au développement du véhicule autonome, aujourd’hui dominée par les États-Unis et la Chine. L’enjeu pour l’Europe est de renforcer sa présence sur les différents marchés liés au véhicule autonome (cartographie numérique, composants électroniques, 5G, etc.) et de donner un second souffle aux industries automobiles nationales. Dans ce contexte, la France affiche l’ambition de devenir « le pays le plus en pointe sur l’accueil des véhicules autonomes » (rapport Idrac 2). Sa stratégie vise d’abord à préserver son industrie automobile, deuxième employeur du pays, mais porte également un modèle de société. Le véhicule autonome serait un moyen de lutter contre les inégalités sociales et territoriales en se focalisant sur trois enjeux prioritaires : les territoires ruraux, les publics exclus de la mobilité qui ne peuvent pas acheter ou utiliser une voiture et la non-concurrence avec les modes actifs (marche et vélo). Le rapport Idrac présente également le véhicule autonome comme une alternative écologique car il serait électrique, permettrait une conduite plus efficiente car plus fluide, pourrait être plus léger grâce à de meilleures performances de sécurité permettant de se passer de certains dispositifs jusqu’alors indispensables, et favoriserait le report modal en étant complémentaire aux transports en commun. Pour déployer sa stratégie, la France s’appuie sur des consortiums regroupant différents acteurs publics et privés et sur des expérimentations dans différents territoires, permettant aux collectivités de s’engager dans la course au véhicule autonome.

Des conséquences écologiques potentiellement catastrophiques

Trois scénarios sont aujourd’hui envisagés pour le développement du véhicule autonome : celui d’une mobilité individuelle avec des voitures à usage privé, porté par les constructeurs automobiles ; celui d’une mobilité à la demande s’appuyant sur des flottes de robots-taxis, porté par les acteurs du numérique ; celui enfin d’une mobilité collective avec des navettes autonomes, porté par les acteurs publics (collectivités et opérateurs de transport).

- Premier scénario : le véhicule autonome individuel

Outre les impacts environnementaux considérables liés au développement en masse de véhicules high-tech, ainsi qu’un risque d’accroissement des inégalités face au prix d’acquisition des véhicules autonomes, le scénario de mobilité individuelle pourrait entraîner des changements importants dans les modes de vie. Libérés de la conduite, les automobilistes pourraient développer d’autres activités à bord, ce qui aurait pour conséquence de nouvelles organisations du quotidien, déployées sur des espaces plus grands, avec des déplacements plus nombreux et plus lointains puisque moins contraignants. Il en résulterait un nombre croissant de véhicules sur les routes, et donc un besoin supplémentaire de production de véhicules et d’énergie pour les alimenter.

- Deuxième scénario : les flottes de robots-taxis

Les acteurs principaux de ce scénario, dans lequel il n’y aurait plus de conducteur à bord, sont les géants du numérique. Le scénario de mobilité à la demande pourrait également accroître les inégalités sociales (tarification privée) et territoriales (développement selon la rentabilité des territoires favorisant les zones denses), ainsi que la congestion routière s’il ne fait que s’ajouter au trafic routier actuel.

Ces effets-rebonds, communs au premier et au deuxième scénarios et pointés par les nombreuses études 3 qui ont analysé les conséquences écologiques du déploiement des véhicules autonomes, pourraient être à l’origine d’une évolution de la consommation d’énergie du parc automobile qui pourrait au pire tripler, au mieux diminuer de moitié, sans même compter l’impact énergétique lié aux énormes quantités de données qui seront échangées entre les véhicules 4, nécessitant très probablement le déploiement de la 5G, ou encore les émissions de CO2 liées à la production, l’installation, la maintenance, le renouvellement et la gestion des déchets d’un ensemble d’objets embarqués et d’infrastructures routières.

- 3e scénario : les navettes autonomes

Le troisième scénario, celui du développement de navettes autonomes pour le transport collectif des voyageurs, regroupe plusieurs services très différents selon les besoins des territoires.

Source : Atelier Robomobile



Il pourrait permettre des usages vertueux, mais son déploiement (mise au point de la technologie, développement d’infrastructures, etc.) risque de préparer le terrain pour un développement massif des usages les moins vertueux. Restreindre le développement du véhicule autonome à sa zone de pertinence nécessiterait une régulation très forte de la puissance publique qui, pour le moment, délaisse les usages les plus vertueux : en France, sur les 16 expérimentations de l’appel à projet national EVRA (Expérimentation du Véhicule Routier Autonome), seules deux ont porté sur la mobilité collective dans les territoires ruraux, alors même que ces derniers sont présentés comme étant les plus pertinents d’un point de vue écologique (limiter l’autosolisme) et social (lutter contre l’enclavement des territoires les moins bien desservis en transports en commun).

Un déploiement en décalage avec l’urgence climatique

Elon Musk, PDG de Tesla, a promis un véhicule autonome capable de circuler en toute circonstance, pluie, neige, brouillard, nuit, sur tous les territoires et en présence de piétons et de cyclistes pour fin 2021.

Pourtant la législation internationale qui entrera en vigueur en janvier 2021, adoptée par 58 des pays de l’ONU, dont la France, imposera aux véhicules autonomes de niveau 3 5 transportant jusqu’à 8 personnes des conditions de circulation très éloignées de ce discours. Un véhicule ne pourra circuler qu’avec un conducteur assis et attaché, à une vitesse ne dépassant pas les 60 km/h sur des voies dont les deux sens de circulation seront séparés par une barrière physique et desquelles piétons et cyclistes sont absents. Reste à savoir dans quelles conditions les véhicules de niveau 4 et 5 seront autorisés à circuler.

En tout état de cause, les acteurs non industriels, que ce soient les chercheurs (CNRS) ou les pouvoirs publics (rapport Idrac), n’envisagent pas un déploiement massif de véhicules complètement autonomes avant 2050, c’est-à-dire après l’échéance fixée par la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) pour atteindre la neutralité carbone. Le véhicule autonome ne peut donc clairement pas contribuer valablement à la course contre le changement climatique dans laquelle sont engagés les pays d’ici 2030 6 et 2050.

Orienter les investissements vers des solutions véritablement écologiques

Alors que le développement du véhicule autonome et le déploiement des infrastructures nécessaires à sa mise en circulation exigent des investissements considérables non seulement privés mais aussi, à l’avenir, publics (développement, adaptation des infrastructures, etc.), le rapport de la Fabrique Écologique pour le Forum Vies Mobiles démontre que sa contribution à la décarbonation de la mobilité ne peut être au mieux que marginale et que son déploiement massif ne pourra pas se faire à temps pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Pire, sa diffusion risque à l’inverse d’augmenter fortement les émissions de CO2 liées au transport, celles découlant de la circulation de la nouvelle flotte (accentuation des distances parcourues, concurrence des transports en commun, voire même des mobilités douces), mais aussi de la production massive de véhicules, de matériel électronique et d’infrastructures, ainsi que d’une génération de données colossale. Cette situation est symptomatique d’une forme de schizophrénie des pouvoirs publics qui articulent difficilement enjeux économiques, sociaux et écologiques. Pourtant, une approche transversale permettrait une appréhension globale des enjeux liés à la mobilité et pourrait ouvrir la voie à de nouveaux leviers moins coûteux et plus efficaces, réalistes et inclusifs. Dans une perspective écologique, il est donc utile et urgent d’inciter l’État français à concevoir, investir et déployer un nouveau système de mobilité combinant transports collectifs ferrés (autonomes ou non) et routiers, voitures légères et low-tech, modes actifs, voire à repenser l’aménagement du territoire pour permettre d’éviter les déplacements carbonés inutiles.

Prochainement, un groupe de travail composé de scientifiques, représentants de la société civile, professionnels de l’écologie ou du développement durable, sera mis en place et animé par la Fabrique Écologique et le Forum Vies Mobiles sur le thème du véhicule low-tech afin de proposer des recommandations pragmatiques et concrètes.

Rapport complet à télécharger



Illus. DR

Notes

1  Les personnes interrogées sont les suivantes : Vincent Abadie, expert ADAS et véhicule autonome chez PSA ; Sylvain Belloche, Cerema, responsable de l’activité véhicule autonome ; Jean-Bernard Constant, responsable numérique pour la communauté de communes Coeur de Brenne ; Michèle Guilbot, directrice de recherche HDR en droit, directrice adjointe du Laboratoire Mécanismes d’accidents, Département Transport-Santé-Sécurité, Université Gustave Eifel (ex-Ifsttar) ; François Jarrige, maître de conférence en histoire contemporaine à l’Université de Bourgogne ; Cécile Lagache, Hervé Philippe et Arantxa Julien, DGITM, mission innovation, numérique et territoires ; Florent Laroche, économiste des transports au LAET CNRS ; Christian Long, prospectiviste en mobilité ; Stephane Rabatel, président VedecomTech.

2  Idrac, Anne-Marie, 2018, « Développement des véhicules autonomes - Orientations stratégiques pour l’action publique », https://www.ecologie.gouv.fr/presentation-du-rapport-developpement-des-vehicules-autonomes-orientations-strategiques-laction

3  Saujot, Brimont et Sartor, 2017, « Comment accélérer la mobilité durable avec le véhicule autonome ? », Issue Brief no 02/17, IDDRI, https://www.iddri.org/fr/publications-et-evenements/decryptage/comment-accelerer-la-mobilite-durable-avec-le-vehicule ; Wadud, MacKenzie et Leiby, 2016, « Help or hindrance? The travel, energy and carbon impacts of highly automated vehicles ». Transportation Research Part A: Policy and Practice, no 86 (avril), p. 1-18, https://www.researchgate.net/publication/286202541_Help_or_hindrance_The_travel_energy_and_carbon_impact_of_highly_automated_vehicles ; Brown, Repac, Gonder, 2013, « Autonomous Vehicles Have a Wide Range of Possible Energy Impacts », NREL/PO-6A20-59210, NREL, University of Maryland, https://www.osti.gov/biblio/1090163-autonomous-vehicles-have-wide-range-possible-energy-impacts-poster ; Stephens, Gonder, Chen, Lin, Liu, Gohlke, 2016, « Estimated Bounds and Important Factors for Fuel Use and Consumer Costs of Connected and Automated Vehicles », NREL/TP-5400-67216, NREL, Golden, CO (United States), https://www.osti.gov/biblio/1334242-estimated-bounds-important-factors-fuel-use-consumer-costs-connected-automated-vehicles ; etc.

4  Sachant qu’un véhicule connecté pourrait produire jusqu’à 1 Go par seconde, un Français pourrait produire en moyenne 1,3 millions de Go par an.

5  On distingue aujourd’hui 5 niveaux d’autonomie dont les deux premiers sont des assistances à la conduite. On parle de réelle autonomie (dans certaines conditions) à partir du niveau 3, le niveau 5 désignant l’autonomie en toutes conditions.

6  L’Union Européenne s’est en gagée en décembre 2020 à réduire d’au moins 55% ses émissions globale de CO2 d’ici 2030.

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