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La mobilité idéale des salariés vue par les entreprises

Recherches terminées
Début: Mars 2015
Fin: Avril 2016

La mobilité liée au travail (premier motif de déplacement quotidien des Français) structure les modes de vie contemporains. Acteur central de l’organisation du travail dans l’espace et dans le temps, comment les entreprises se figurent-elles les mobilités idéales de leurs salariés ? Quel rôle ont-elles à jouer dans les mobilités de demain ? Découvrez les résultats de l’enquête menée par l’IAE de Paris pour le Forum Vies Mobiles.

Acteurs de la recherche

 

Contact : Sylvie Landriève

I. Introduction

En parallèle de son enquête internationale qui interrogeait les gens sur la place que la mobilité devrait occuper dans les modes de vie du futur, le Forum Vies Mobiles a souhaité connaître la façon dont les entreprises envisagent, quant à elles, la mobilité des salariés. Rarement questionné, le rôle des entreprises en matière de structuration des mobilités spatiales de leurs salariés est pourtant central : qu’il s’agisse du rythme de vie (horaire et cadence de travail) ou du territoire que cela les conduit à fréquenter (localisation des entreprises, accessibilité en transport).

La mobilité en entreprise : un terme polysémique

Le terme de mobilité recouvre différentes acceptions dans l’entreprise et en gestion plus généralement. Il peut désigner:

  • soit le changement de poste d’un salarié, c’est-à-dire la mobilité professionnelle (qu’elle soit interne, externe, choisie ou subie);
  • soit les diverses mobilités spatiales : cela renvoie alors au déplacement domicile-travail, au déplacement professionnel et aux déménagements pour motif professionnel.

Cette étude se centre sur la façon dont les entreprises envisagent l’avenir des mobilités spatiales des salariés, l’une des dimensions les moins traitées dans le champ de la gestion :

  • les déplacements domicile-travail,
  • les déplacements professionnels,
  • les déménagements

II. Dispositif de recherche

Menée de mars 2015 à avril 2016, cette enquête est composée de volets qualitatifs pour préparer et approfondir un volet quantitatif central :

  • Des entretiens exploratoires ont été menés auprès de responsables des ressources humaines pour dresser un état de l’art de la question des mobilités en entreprise et dégager les lignes de force du questionnaire quantitatif ;
  • L’enquête quantitative a été menée par panel en ligne auprès des gestionnaires des ressources humaines français via un réseau RH constitué ( Groupe RH&M).
    • au total, 340 répondants ont rempli le questionnaire
    • les répondants sont essentiellement issus d’entreprises de plus de 1000 salariés (60%), du secteur privé (85%),
    • un profil type de répondant : plus de 40% des répondants correspondent à un directeur des ressources humaines d’une grande entreprise du secteur privé.
  • Trois études de cas ont ensuite été menées auprès d’entreprises ayant participé à la phase quantitative de l’étude, sélectionnées pour être représentatives d’une diversité de profils (taille, secteur, territoire).
  • Enfin, un focus group réunissant 12 participants du réseau RH DéclicMobilités (réseau de RH des Hauts-de-France) a été réalisé pour approfondir les enseignements de la phase quantitative de l’étude avec des entreprises en pointe sur les sujets de mobilité. Marcq-en-Barœul (Lille), le 24 février 2016.

III. Grands enseignements de la recherche

Concernant la vision de la mobilité en entreprise

  • Aujourd’hui et pour l’avenir, les déplacements et leurs conséquences sur la vie personnelle des salariés ne sont pas une priorité des responsables des ressources humaines. Les déplacements arrivent loin derrière la mobilité professionnelle entendue comme changement de poste renvoyant à la gestion des carrières des salariés.

Concernant la gestion future et actuelle des déplacements de salariés

  • Les outils numériques, notamment lorsqu’ils sont associés à la pratique du télétravail, arrivent en tête des solutions pour gérer les déplacements des salariés dans le futur, devant, par exemple, le développement d’offres de transports plus performantes.
  • Mais ces solutions technologiques rencontrent de nombreuses limites à leur déploiement et ne pourront pas se généraliser à moyen terme dans une proportion permettant une substitution voire une diminution radicale des déplacements des salariés.
  • Aujourd’hui, la majorité des entreprises ne prennent pas en compte les enjeux environnementaux et sociaux des déplacements dans leur politique de gestion.

IV. Principaux résultats de la recherche

1. La mobilité de demain : un pari technologique

C’est sur le développement des solutions technologiques, via la généralisation des outils numériques, en particulier par le télétravail et le développement de modes de transport plus rapides et plus fréquents, que comptent surtout les RH pour gérer, demain, les déplacements des salariés voire pour s’y substituer.

En matière de déplacements domicile-travail :

  • 53 % des entreprises considèrent qu’une normalisation du télétravail constituerait la solution idéale, en supprimant la nécessité d’un lieu commun de travail
  • choix qui arrive devant l’amélioration de l’offre de transport ( 47 % des enquêtés).

En matière de déplacements professionnels :

  • 69 % des entreprises ont plébiscité l’utilisation des outils numériques (conférence skype, vidéo conférence en 3D, invention et développement des hologrammes) comme alternative à la réunion physique.
  • Ce choix arrive loin devant le désir d’amélioration de l’offre de transport (36% des entreprises).

En matière de déplacements liés au travail impliquant un déménagement :

  • Pour 45 % des entreprises, les déménagements liés au travail seront rendus inutiles dans le futur grâce à la révolution numérique.
  • Néanmoins, pour encore 42 % d’entre-elles, l’idéal serait d’encourager la bi-résidentialité de leurs salariés dans le futur au moyen d’une politique de logements d’entreprise.

Mais, des solutions longues à mettre en œuvre :

Une entreprise sur deux estime qu’elle ne sera pas en mesure de mettre en œuvre ces changements avant 10 ans.

2. Un engouement pour le télétravail…

  • 53 % des entreprises estiment que le télétravail constitue un outil intéressant pour limiter les déplacements domicile-travail.
  • Pour 34 % des entreprises, ce serait même la solution à mettre en œuvre en priorité pour limiter les déplacements domicile-travail,
  • devant des solutions plus classiques comme « le remboursement des frais de transports en commun au-delà du minimum légal » ( 13 % ) ou « la mutualisation des véhicules motorisés de types covoiturage, autopartage » ( 12 % ).

…malgré de nombreuses limites pointées par les entreprises pionnières (Focus Group)

  • Des limites pratiques : les entreprises pionnières soulignent qu’une adoption massive du télétravail n’est pas possible. Le télétravail est présenté comme une solution idéale pour 1 ou 2 jours par semaine au maximum. De plus, il n’est pas généralisable à tous les emplois, en particulier ceux nécessitant une présence physique (restauration, emplois ouvriers, services à la personne…). Le télétravail ne permet donc ni une disparition totale du lieu de travail centralisé ni des déplacements domicile/travail. Alors que plus de neuf entreprises sur dix déclarent avoir mis à disposition de leurs salariés des outils de communication pour mieux gérer les déplacements professionnels, les plus avancées soulignent que le problème réside avant tout dans leur appropriation et leur utilisation.
  • Des limites juridiques : les entreprises pionnières soulignent que les questions juridiques qui entourent les conditions de télétravail (imputabilité des accidents de travail survenus au domicile du salarié, vérification de l’environnement de travail, gestion des questions de santé et équilibre vie professionnelle/vie privée), ne font pas encore l’objet d’une réglementation spécifique.
  • Des limites managériales : au-delà des questions juridiques, le télétravail remet en question l’organisation et la culture d’entreprise. Près d’une entreprise sur deux estime que la culture présentielle des entreprises françaises est un obstacle au développement du travail à distance. Les managers redoutent la perte du collectif de travail pouvant entrainer une complexification de la gestion des salariés : nouvelles modalités de contrôle de la productivité (logique de livrables et de reporting), modification des relations de travail au sein de l’entreprise. Les entreprises interrogées soulignent le paradoxe du télétravail entre potentiellement plus de liberté et d’autonomie dans l’organisation de son travail par le salarié mais aussi l’accroissement du suivi et du contrôle que l’on pouvait avoir sur lui auparavant.

3. Des enjeux environnementaux et sociaux des mobilités spatiales mal saisis par les entreprises

La priorité aux motivations économiques ; les motivations environnementales reléguées

Lorsqu’elles mettent en place une politique de gestion des déplacements des salariés, les entreprises attendent avant tout des retombées économiques, bien avant l’amélioration de leur situation environnementale.

  • Pour 78 % des entreprises, c’est l’amélioration de la productivité des salariés qui est la motivation la plus importante à mettre en œuvre une politique de déplacements
  • À l’inverse, seules 28 % des entreprises jugent importante la réduction de l’impact carbone de l’entreprise au moment de mettre en place une politique de gestion des déplacements des salariés. Aujourd’hui, la voiture, et plus largement les véhicules motorisés, restent les outils privilégiés par l’entreprise en matière de gestion des déplacements domicile-travail des salariés. Cela passe par la mise à disposition d’espaces de stationnement pour véhicules motorisés ( 92 % des entreprises) et de véhicules de fonction ( 81 % des entreprises).

Une gestion des déplacements qui n’est pas individualisée

  • 50 % des entreprises admettent ne pas intégrer les risques de burn-out ou de problèmes familiaux liés aux déplacements répétés ou de longue durée de leurs salariés
  • Parmi les entreprises ayant répondu par la négative, elles sont néanmoins près de 70 % à se dire prêtes à intégrer ces éléments dans leur gestion des déplacements et 63 % à mettre en place des check-up réguliers afin de repérer les difficultés rencontrées par les salariés.

Ce résultat résonne avec des politiques de gestion des déplacements qui, le plus souvent, ne prennent pas en compte les spécificités individuelles des salariés :

  • dans la majorité des cas, les entreprises interrogées ne différencient pas leur gestion des déplacements en fonction des profils des salariés : 67 % des entreprises disent s’adresser de manière uniforme à l’ensemble de la population salariée de l’entreprise

Politique publique et gestion des déplacements en entreprise : des limites à explorer

La recherche fait émerger un souhait contradictoire de la part des entreprises demandeuses d’un plus fort accompagnement de la part des pouvoirs publics alors qu’elles ne mettent pas en place les outils mis à disposition par ces derniers pour gérer les déplacements des salariés.

  • Seuls 24 % des entreprises disent avoir mis en place un Plan de déplacement d’entreprises (PDE) ; même si les plus grandes entreprises (plus de 1000 salariés) sont plus nombreuses à en avoir mis en place, elles ne sont néanmoins que 34 % à avoir adopté cet outil; et le chiffre chute encore pour les entreprises de moins de 1000 salariés qui ne sont que 17 % à en avoir adopté un.

Un élément d’explication se trouve peut-être dans l’illisibilité de l’action publique locale en matière de mobilité pointées par les entreprises innovantes rencontrées. Selon ces dernières, un guichet unique en matière de mobilité est complexe à trouver et pourrait, s’il existait, faciliter les démarches des entreprises. De la même manière, les entreprises interrogées soulignent que l’offre de transport alternatif à la voiture n’est pas pensée à destination des entreprises : par exemple, à Paris ou à Lille, une entreprise ne peut pas souscrire un abonnement vélos pour ses salariés qui doivent le faire individuellement.

V. Documents : rapports de recherche et questionnaire

Retrouvez le détail des résultats dans les rapports de recherche en téléchargement sur cette page :

1. Réflexion et enseignements des entretiens exploratoires

2. Analyse du questionnaire

3. Bilan des trois études de cas

4. Analyse du Focus Group

5. Conclusion de l’étude

Mobilité

Pour le Forum Vies Mobiles, la mobilité est entendue comme la façon dont les individus franchissent les distances pour déployer dans le temps et dans l’espace les activités qui composent leurs modes de vie. Ces pratiques de déplacements sont enchâssées dans des systèmes socio-techniques produits par des industries, des techniques de transport et de communication et des discours normatifs. Cela implique des impacts sociaux, environnementaux et spatiaux considérables, ainsi que des expériences de déplacements très diverses.

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Déplacement

Le déplacement est un franchissement de l’espace par les personnes, les objets, les capitaux, les idées et autres informations. Soit il est orienté, et se déroule alors entre une origine et une ou plusieurs destinations, soit il s’apparente à une pérégrination sans véritable origine ou destination.

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Télétravail

Exercice d’une activité salariée hors des locaux de l’entreprise, à domicile ou dans un lieu tiers pendant les horaires de travail habituels et nécessitant d’avoir accès à des outils de télécommunication.

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Autopartage

L’autopartage est la mise en commun d’un ou plusieurs véhicules, utilisés pour des trajets différents à des moments différents. Trois types d’autopartage peuvent être distingués : l’autopartage commercial, la location entre particuliers, et l’autopartage « informel » entre particuliers.

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